Article du Benezit - Pierre Cabanne - Claude Roger Marx - René Barotte - Lydia Harambourg

 

Article du Benezit, par Jacques BUSSE :

HUMBLOT Robert

Né le 13 mai 1907 à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). Mort le 14 mars 1962 à Paris. XXe siècle. Français.
Peintre de compositions à personnages et allégoriques, figures, portraits, paysages, natures mortes. Réaliste-synthétique. Groupe Forces Nouvelles.

Il abandonna, à vingt-quatre ans, des études de sciences naturelles au Museum d'Histoire Naturelle de Paris, pourtant déjà très avancées et qui le passionnaient, pour suivre d'abord des cours de dessin, notamment à l'Académie de la Grande-Chaumière. Puis, en 1931, il entra à l'Atelier Lucien Simon à l'École des Beaux-Arts de Paris, où il travailla jusqu'en 1934. Il voyagea en Italie, surtout à Venise, en Espagne, en Provence puis en Bretagne, contrées auxquelles il revint souvent, peignant ça et là de nombreuses oeuvres. Il voyagera ensuite aussi en Hollande, en Afrique, aux Antilles, au Mexique. En 1935, avec Georges Rohner, qu'il avait connu aux Beaux-Arts, et Henri Jannot, il participa à la création du groupe Forces Nouvelles, avec lequel il exposa jusqu'à la guerre. Fait prisonnier, il s'évada en 1941, rapportant d'Allemagne et du Tyrol autrichien dessins et paysages, rejoignant le groupe d'Oppède, se réfugiant à Villefranche-sur-mer, puis en Auvergne, se fixant finalement en forêt de Fontainebleau. Il a participé à de nombreuses expositions collectives depuis 1932, à Paris : aux Salons des Indépendants et d'Automne, ainsi qu'à Sofia, Bruxelles, Luxembourg, Madrid, New York, etc. Il fit sa première exposition personnelle à la galerie Billet-Worms de Paris en 1936. Après son retour de captivité, une exposition à Paris, de paysages rapportés de l'IIe d'ouessant attira de nouveau l'attention sur lui. De 1943 à 1950, il exposa à Paris dans les galeries Van der Kfip et Barreiro, puis en 1950 galerie Framond, et de 1955 à sa mort galerie Romanet. En 1952, il reçut le Prix Conté-Carrière, en 1953 le Prix de la Biennale de Menton. Après son décès, le Musée Galliera de Paris organisa une exposition rétrospective de l'ensemble de son oeuvre. D'autres hommages posthumes lui ont été rendus, notamment au Salon d'Automne en 1987, puis en 1988 à la galerie Bernheim-Jeune, en 1991par le XXe Salon de Montmorency, en 1998 à la galerie Bernheim-Jeune Les années 30-40-50.
En 1934 à Paris, deux expositions eurent la plus importante répercussion sur ses années de formation : Les peintres de la réalité en France au XVIIe siècle au Musée de l'Orangerie, et Les Le Nain au Musée du Petit-Palais. Dans ces années où l'Ecole de Paris se composait de deux blocs, entre d'une part les séquelles affaiblies du fauvisme et du cubisme et d'autre part les facilités d'une peinture d'ameublement encore tributaire de l'impressionnisme, et alors que l'abstraction n'y commençait son apparition que dans la confidence, Humblot et ses amis Rohner et Jannot virent, s'opposant à des options esthétiques fatiguées et aux déliquescences d'un indifférent laisser-aller, dans la rigueur du réalisme synthétique des Georges de Latour, des frères Le Nain, de l'énigmatique Baugin, un recours à la possibilité d'une expression de la condition de l'homme dans son univers, forte de la caution d'un dessin et d'un modelé sévèrement repensés et resserrés sur l'essentiel, non seulement de la forme extérieure mais de la pensée créatrice. Ces pôles de références historiques et ces quelques principes, simples mais résolument affirmés, ont constitué le socle théorique à partir duquel se fonda le groupe des Forces Nouvelles. Les peintres du groupe entendaient donner à leur position l'éclat d'une position de combat, convaincus que dans le contexte de l'époque le retour à la tradition représentait la plus osée des audaces. Sans s'affilier officiellement au groupe, d'autres peintres se montrèrent alors intéressés par sa dynamique, en particulier Pierre Tal-Coat, André Marchand et peut-être aussi Francis Grüber. Le groupe prônait le retour au dessin, au métier consciencieux de la tradition, mais non pour s'isoler du monde moderne dans des sujets académiques, au contraire pour l'exprimer plus directement dans son réalisme cru. Encore auraient-ils pu préciser qu'ils ne se référaient pas à n'importe quelle tradition, et en tout cas pas à celle de l'académisme du XIXe siècle, mais à celle du caravagisme au XVIIe siècle et du néo-classicisme de David, voire même à Manet. Pour les peintres qui se reconnaissaient dans les principes et les pratiques du groupe, la modernité ne consistait pas exclusivement dans une modernité formelle, mais, de façon plus urgente, dans la réalité de l'actualité. Par exemple, à l'époque de la guerre civile d'Espagne, quand Picasso, depuis longtemps plus expressionniste que cubiste, peint en 1937 le formidable hurlement plastique de Guernica, Tal-Coat peint la série des Massacres, tandis que Humblot, dès 1936, a peint L'entant mort, gisant à terre au pied des paysannes terrorisées, ainsi que Les amours du Minotaure, et, en 1937, Les Horreurs de la guerre. A cette époque-là, Edouard Pignon et André Fougeron, poursuivant l'hypothétique synthèse de la ligne de Picasso et de la couleur de Matisse, ne semblaient guère dans leur peinture concernés par le monde extérieur, tel qu'il allait ou plutôt tel qu'il n'allait pas. Après la guerre encore, quand les deux blocs antagonistes de l'Occident et de l'Est faisaient planer sur le monde entier l'éventuel déferlement d'un cataclysme total, Humblot, pour en dénoncer la menace et signifier le partage du monde entre deux calamités, peignit en 1954 les personnages aux yeux hagards de La Faim et la Peur, usant d'un procédé qu'il aura été un des seuls à pratiquer assez couramment dans le XXe siècle : la composition allégorique. Il convenait de s'attarder sur la partie de son oeuvre vouée à ce qu'on peut appeler les “peintures civiques”, en tant qu'elles permettent au plus près de reconnaître la modernité spécifique de la mouvance de Forces Nouvelles, d'autant que ce sont ces peintures qui constituent pour une grande part dans l'oeuvre l'ensemble impressionnant des compositions à personnages et des compositions allégoriques. L'oeuvre, tel qu'il fut présenté dans son ensemble lors de l'exposition rétrospective du Musée Galliera en 1964, est divers dans ses thèmes, s'il est totalement cohérent dans son style. En complément des compositions à personnages et allégoriques, les portraits et nus procèdent du même regard qui réduit les lignes, les formes et les couleurs à leur structure nécessaire et suffisante, les volumes, des membres, des têtes, des paupières, tendant au cylindre ou au sphérique, l'élimination radicale du détail anecdotique conditionnant le caractère imposant des figures, que ce soit dans le portrait de la chanteuse Juliette Gréco de 1956, dans celui entièrement allongé de la fille du peintre Brigitte au divan rouge de 1958 ou dans le malicieux double nu des Amies de pension de 1959. Les paysages, marines et ports qu'Humblot peignait avec prédilection du Finistère aux Alpilles de Provence en passant par la forêt de Fontainebleau, de la Hollande à Venise, sont la partie sereine, contemplative, de l'oeuvre. Dans le cours de sa vie, il peignit de plus en plus de natures mortes, de poissons, d'oiseaux, de champignons, dans lesquelles l'austérité janséniste de la facture se confortait de la science du biologiste et mycologue.
Comme l'avait observé un autre zoologiste : “Le style c'est l'homme même”, celui de la peinture de Robert Humblot est en accord parfait avec l'amical colosse qu'il fut, terrassé au moment où il venait de trouver à Paris l'atelier de ses rêves. Il était frappant de constater, ce qui est confirmé dans ses autoportraits, à quel point il ressemblait à sa peinture ou bien plutôt le contraire. Dans une époque où la figuration apparaissait supplantée par les les courants novateurs, dépassant la simple figuration, il s’est affirmé dans le plus intransigeant réalisme, débordant souvent sur l'expressionnisme. La personnalité ascétique de son style propre a contribué à redonner alors à la figuration une importance historique. Dans les différents volets thématiques de son oeuvre, le heurt sans transition de la lumière et des ombres, l'éclatement soudain d'un rouge ou d'un vert dans le contexte volontairement retenu de gris, d'ocres et de bruns, à peine modulés pour ne pas rompre l'unité de la forme, son sens du concret qui statufie les corps et fossilise la nature, correspondent à une attitude entière devant le monde, et pourtant sous l'apparente évidence de ce monde tel qu'il l'a recréé rôde, qu’il prétendait ne pas l'habiter, l'angoisse.

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Pierre CABANNE :


"Oeuvre née de l'abnégation, de la solitude et du refus, qui ne doit rien aux influences, ni aux modes, long poème à la fois pathétique et tendre qui se développe, des rigueurs jansénistes et des dépouillements de l'époque des "Forces Nouvelles" aux toutes dernières noires plus largement écrites, plus empâtées avec une sorte de violence contenue, plus colorées aussi où l'adieu du peintre s'adresse aux plantes, aux bêtes, aux humbles compagnons de ses dialogues amoureux avec la création."


"Et voici le cortège des filles nubiles, les mains crispées, le cou tendu, la bouche serrée, lasses des nuits solitaires ou des plaisirs à demi pris. Cette épopée perverse a son ordonnatrice de taille, une Juliette Gréco en collant "de rat de cave"."


"... Epopée, le mot est lâché. Le seul peintre épique de notre époque est là, le seul à avoir vu "grand" en témoin lucide d'un temps où rien n'était plus à l'échelle "normale", au niveau moyen, pas même la vie qu'il a quittée."


(Beaux-Arts - 14 octobre 1964)

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Claude Roger MARX :

 

“Un Réanimateur"


"Rebelle à tout mot d'ordre, à toute mode, fidèle, au risque de déplaire, aux mêmes accords, aux mêmes désaccords, aux mémes réunions d'objets, aux mêmes horizons (Saint-Paul-de-Vence, Les Baux, la forêt de Fontainebleau, les cotes bretonnes), son oeuvre, qu'il est impossible de diviser, comme tant d'outres, en maniéres successives, montre que rien n'a jamais pu le détourner de sa ligne, modifier sa vision, altérer son style. Quelque sujet qu'il traite - observé ou imaginaire - il s'en empare avec un besoin agressif de possession et le rénove en lui transmettant son souffle et sa sêve".
..."Tout ce qu'il peint est peint franc et dur et, si tant est qu'on puisse accoupler ces deux termes, avec une sympathie féroce, l'eau, la terre et le ciel n'offrant à ses yeux que carnage, la femme même la plus douce, lui paraissant champignon vénéneux, insecte dévorant ou reptile".


(1964)

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RENÉ BAROTTE :

De 1934 à 1938, il compose ces toiles pleines de réalisme, qui, d'emblée, l'apparentent à un maître du "clair obscur" qui n'était pas encore célèbre, ce Georges de la Tour, aujourd'hui gloire de l'art français du passé".


"...HUMBLOT pousse l'analyse de la "figure humaine", de la "nature morte", ou de l'objet au paroxysme".


(22 novembre 1964)

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LYDIA HARAMBOURG :

L'ÉCOLE DE PARIS - 1945/1965 - Dictionnaire des Peintres

Membre fondateur en 1935 du groupe «Forces Nouvelles», Humblot est resté fidèle à sa conception de Î'art, fondée sur la rigueur et l'exigence du métier, face aux diverses orientations dont certaines étaient présentées comme les expressions de l'avant-garde.
Destiné à reprendre l'entreprise familiale de peinture, il quitte sa famille en
1926 pour entreprendre une carrière scientifique: depuis l'enfance, il se passionne pour les sciences naturelles et a étudié la mycologie au Muséum d'Histoire naturelle. Il vient de publier ses premiers articles scientifiques avec ses propres illustrations dans le «Bulletin de la Société mycologique de France» : les chanipignons seront une permanence thématique de son oeuvre. Suivent des années difficiles aux métiers divers lui laissant du temps libre pour pouvoir dessiner. Ce goût pour le dessin, indissociable de celui qu'il porte à la nature et à la flore, lui fait fréquenter en 1930 les Académies libres, Colarossi et la Grande Chaumière. Son second métier, musicien nocturne, lui donnant la liberté de ses journées, il s'inscrit comme élève libre aux Beaux-Arts en 1931, dans l'atelier de Lucien Simon où il fait la connaissance de Georges Rohner, Henry Jannot et Jacques Despierre.
La même année il débute au Salon des Indépendants auquel il participera régulièrement jusqu'en 1950. Pour ces jeunes artistes déçus par l'enseignement qu'ils recevaient aux Beaux-Arts, il devenait urgent de renouveler une peinture qui s'asphyxiait à la fois dans les prolongenients excessivement colorés des néoimpressionnistes et des fauves et dans les jeux des constructions des post-cubistes.
Déjà de nouvelles tendances se profilaien.t avec le «Néo-Humanisme», la «Réalité Poétique», et des expositions à thèmes, telle « Le Retour au sujet» (galerie Billiet 1934).
Mais en 1934, l'organisation de deux importantes expositions à Paris, «Les Peintres de la réalité en France au XVIIème siècle» (Musée de Î'Orangerie) et «Le Nain» (Petit-Palais), allait avoir d'évidentes conséquences sur les jeunes peintres de l'Ecole de Paris.
Dès 1933 la galerie Carmine, rue de Seine, avait présenté Humblot, Gruber, Despierre, Rohner, Auricoste, Chasseny, Cox, Kretz et Ullmann.
En 1934, à la demande du peintre C.Dufresne, Gruber organise une salle au Salon des Tuileries avec des oeuvres de Rohner, Jannot et Humblot qui expose Femme à la guitare. Pour l'orientation plastique suivie notamment par Humblot et Rohner, leur appartenance au groupe baptisé «Forces Nouvelles» par Henri Héraut, peintre, poète, critique d'art et découvreur de talents, sera pour eux une aventure capitale dans cette période qui précède la guerre où déjà les mouvements s'ordonnent.
Avril 1935 a lieu galerie Billiet-Pierre Vorms, 30, rue La Boétie, la première manifestation «Forces Nouvelles» regroupant Humblot, Jannot, Rohner, rejoints depuis par Jean Lasne, Alfred Pellan et Tal Coat, présentés par Héraut qui écrit dans sa préface aux allures de manifeste : « Six jeunes peintres, qui ont compris que le temps des escamotages de dessin ou surcharge de pâte était révolu... Six jeunes peintres, qui demeurent convaincus que le retour à i'Humanisme, le retour au Portrait, le retour au Sujet, etc., ne sont que des formules vides de sens,... si i'on n'opère auparavant le retour au Dessin, le retour au métier consciencieux de la Tradition dans un contact fervent avec la Nature ». Préceptes auxquels Humblot ne faillira pas. Pour lui qui maîtrisera très vite son écriture, un style énergique, puissant, d'une grande sincérité, ne sacrifiant à aucune mode, ces manifestations le font pressentir comme un héritier de la tradition française.
Il participe aux autres expositions, en mars 1936 galerie Billiet-Vorms présentée par Eugenio d'Ors (Tal Coat et PelIan se sont éloignés du groupe) et en avril-mai 1939, galerie de Berri, 12, rue de Berri, dirigée par Van Der Klip, sous le parrainage de Georges Huisman, préfacée par Jacques Lassaigne, où l'on ne trouve plus que le noyau du groupe:
Humblot, Rohner, Jannot et Héraut, qui ensuite éclate. Parallèlement, le mouvement soutenu par R. Cogniat, G. Diehl,
J. Lassaigne, M. Florisoone, J. de Laprade, L. Chéronnet se voit conforter par le Salon de la Nouvelle Génération, créé par Henri Héraut. Le premier se tient galerie Charpentier, en janvier 1936 iony trouve Humblot, Brianchon, L. Fini, A. Marchand, Legueult, Oudot, Rohner...) et le second en avril 1938 galerie Billiet-Vorms accompagné d'un manifeste d'H. Héraut intitulé « Rupture », qui contribua à relancer le débat tout en accusant les prises de positions favorables ou hostiles, dont les répercussions immédiates se vérifiaient à l'accueil réservé aux expositions personnelles des protagonistes.
1936 première exposition particulière de Bob Humblot (ainsi surnommé), galerie Billiet-Vorms, avec des compositions et des natures mortes. G. Huisman, ministre des Beaux-Arts lui achète Le nu couché pour le Musée de Grenoble.
1937 ayant participé au Salon des Jeunes Artistes, présenté galerie des Beaux-Arts par R. Cogniat, avec des toiles importantes et prémonitoires comme L'enfant mort de 1936 qui précède de quelques mois Guernica, Les amours du Minotaure, La faiseuse d'ange, il fait sa deuxième exposition galerie Billiet-Vorms, préfacée par R. Cogniat et où figure de nouveau sa toile bouleversante Les horreurs de la guerre. Une partie de son oeuvre tragique sera volée ou détruite par les Allemands. 1937 voyageà Florence, Sienne et Rome. 1939-1941 mobilisé ; il est fait prisonnier en Allemagne d'où il s'évade. Il passe quelques mois à Villefranche-sur-mer où il peint pour la première fois des paysages en plein air. Puis il reprend contact avec des artistes lors d'un séjour de six mois à Oppède dans le Vaucluse.
Ses toiles sont exposées galerie Friedland en 1941. La zone libre étant envahie, il passe l'hiver à Segonzat en Auvergne, puis au printemps 1943 revient dans la forêt de Fontainebleau, lieu devenu d'autant plus familier, qu'il acquiert une maison à Noisy-sur-Ecole qu'il partage avec son atelier parisien. (Il est enterré dans le cimetière de ce village.) Début d'une série de toiles sur ces paysages minéraux, il s'intéresse à l'art rupestre et découvre des grottes gravées.
Ses toiles sont exposées galeries de France et Van der Klip (Berri) qui se partagent le premier contrat du peintre.
1945 expositions particulières galerie Barreiro et à la fin de l'année galerie Claude, en 1946 galerie Chabanon.
1947, sa toile Le naufragé est exposée au Whitney Museum de New York. En avril, il effectue un voyage en Hollande avec sa jeune femme en compagnie des Rohner, leurs meilleurs amis. Sa fille Brigitte naît pendant ce séjour.
Au retour, il expose des paysages de Hollande et d'Île-de-France galerie Chabanon, décembre 1947-janvier1948.
1950 inauguration de la galerie Framond avec une exposition Humblot-Oudot. C'est Î'année où il découvre les Baux-de-Provence où il retournera chaque année: autre source thématique avec celle de la Bretagne où il se rend à Ouessant dès 1945-1946. Dernier séjour en 1961 pour la préparation du livre « Les Filles de la pluie», de Savignon, et séjourne à Saint-Guénolé en 1955, avec des points forts en 1956 et 1961.
La galerie Framond l'expose encore en 1951 (il participe la même année à l'exposition collective «Portraits dans un miroir ou la Compagne d'un peintre ») et en 1953 où il présente des toiles rapportées de Saint-Paul-de-Vence, quatre nus groupés sous le titre La faim et la peur et des natures mortes (rascasses). Le peintre maîtrise parfaitement ses moyens. Sa peinture évoluera peu. A l'image de l'homme, intègre et sans concession.
Sceptique, convaincu de l'incommunicabilité entre les êtres, tout lui apparaît pétri d'hostilité, des accessoires les plus anodins, aux portraits de femmes, redoutables mantes religieuses malgré leur apparente douceur innocente. Son art est un exutoire. Heureux parmi les siens, ami fidèle, il dissimule une extrême pudeur, reflet de son intense sensibilité, par un brillant esprit. «Entre la contrainte qu'il détestait et la lâcheté qui l'indignait il avait trouvé un compromis heureux : l'humour. Il le pratiquait en toute circonstance. C'était sa pente naturelle. L'humour était pour lui le piment nécessaire de l'existence», confie sa femme, Jacqueline Humblot, à Bertrand Duplessis. Ce sens profond du drame qui l'habite, ce monde intérieur tourmenté, il confie à ses pinceaux le soin de les traduire à travers sa solitude de créateur. « Son plaisir est de se colleter avec les apparences. De la plupart de ses tableaux on pourrait dire que ce sont des corps à corps... Tout ce qu'ii peint est franc et dur. . . avec une sympathie féroce. . . » écrit Claude Roger-Marx (préface, exposition Musée Galliéra 1964). Ce monde visuel qu'il nous offre n'existe que par rapport à la lumière. Il lui délègue le rôle d'isoler les volumes qu'elle fait naître, d'accentuer leurs structures à partir de la modulation des pleins et des vides, enfin d'établir la superposition des plans tout en durcissant la couleur. D'une palette sombre à ses débuts, il a toujours exclu toute note chaude, privilégiant les contrastes de clair-obscur. Ainsi dans ses vastes compositions allégoriques et visionnaires, austères, Souvent douloureuses, lourdes d'une fatalité du destin, fait-il intervenir une pénombre mystérieuse, jetant sur ces visages blafards, hagards, la blancheur d'un éclairage imaginaire. A aucun moment, le peintre ne bascule dans le romantisme, conservant une composition dépouillée et une exécution contrôlée. Cet univers tendu, aux contours découpés, se retrouve dans ses natures mortes dont il nous transmet la poésie des objets les plus humbles façonnés par l'ombre et la lumière, ainsi que dans ses paysages qu'il peint presque toujours sur le motif. Il renoue alors avec les éléments végétaux, les pierres. Même contour incisif des arêtes se figeant sur un ciel implacable dans un jeu subtil de valeurs rapprochées. Il célèbre avec la même crudité les sites les mieux servis par la lumière : la forêt de Fontainebleau dont il a contribué à rendre célèbre le site dit des Trois Pignons, les Alpilles, la Bretagne du phare d'Eckmühl et aussi Venise où il passe l'été 1954. Ses rendez-vous familiers alternent avec quelques voyages: 1957 en compagnie de sa femme et d'un couple d'amis il traverse en camion l'Afrique, d'Alger au Congo belge; 1959 voyage aux Antilles où il peint une série de toiles destinées au catalogue Nicolas, et au Mexique. Plus proche, son second voyage en Auvergne en 1952 à Sauvagnat-Sainte-Marthe d'où il rapporte de nombreux paysages.
Séjourne à La Gaude dans les AlpesMaritimes en 1953 et 1954.
En 1955 a lieu une nouvelle exposition particulière, galerie Romanet, avenue Matignon où ses tableaux seront régulièrement exposés.

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